nemo Jules Verne, déjà. Quand on a une dizaine d'années et qu'on le lit dans un roman d'aventure, on y croit pas vraiment mais on est émerveillé. Rappelez-vous, le Capitaine Némo et Vingt-mille lieux sous les mers ! Jules Verne en parlait déjà avec une précision étonnante dans cet extrait que je vous recommande. (Notez aussi que vous pouvez consulter le texte intégrale du roman à cette adresse).

C'est un phénomène connu depuis l'antiquité (cf. cet historique en anglais) et rapporté par de nombreux marins. Mais qui est très difficile à étudier parce que trop rare, absolument pas prévisible et mer de lait de courte durée. On sait qu'il se produit sur des étendues considérables. Mais de quelle taille exactement ? Pour la première fois on en a une idée grâce à des observations satellitaires publiés il y a quelques jours par une équipe du laboratoire océanographique de Monterey, en Californie. Une gigantesque mer de lait de plus de 250 km de long, soit plus de 15 000 km² (près de deux fois la Corse !) observée trois nuits de suite.

Luminescence On ne sait pas grand chose sur la cause de cette lumière. Il s'agit très probablement d'un phénomène de bio-luminescence. La luminescence est l'émission de photons d'origine non thermique, par opposition à l'incandescence (une ampoule électrique est chaude). C'est pourquoi on parle de lumière froide. Par exemple les lucioles, qui sont capables de luminescence, ne sont pas chaudes quand vous les prenez en main.

En fait ce ne sont pas les lucioles en elles-même qui sont luminescentes. Mais des bactéries qu'elles hébergent dans leur abdomen. D'autres cas célèbres de luminescence ont été étudiés chez des poissons, des poulpes ou des méduses. On sait aussi que certaines algues quand elles sont agitées dans le sillage d'un bateau émettent de la lumière (c'est même une technique de détection des sous-marins). Mais elles ont besoin d'excitation pour scintiller. Tous ces phénomènes sont donc très différents de ceux impliqués dans les mers de lait.

Pour le moment aucune expédition scientifique n'est arrivée à faire des prélèvements dans une mer de lait. Mais on tient quelques suspects. Le meilleur candidat pour l'explication des mers de lait est sans doute la bactérie Vibrio harveyi qui a déjà été mesurée en concentration faible dans l'océan indien. Mais pour qu'on puisse observer une luminescence depuis l'espace, il faut qu'elles se retrouvent en concentration colossale dans une même zone. Et ce n'est pas peu dire.

Un nombre astronomique ! D'après l'article cité plus haut, la mer de lait observée devait compter autour 4x10²² bactéries (quarante milles milliards de milliards). C'est un nombre beaucoup trop grand pour être appréhendé intuitivement. A titre de comparaison, c'est autant de bactéries que ce que compte habituellement la couche supérieure (200 m d'épaisseur) de tous les océans réunis. Et c'est 100 fois plus que toutes les bactéries aquatiques que l'on trouve sur les continents. Ou encore, c'est le nombre de grains de sable nécessaire pour recouvrir la planète sur une épaisseur de… 10 cm !!!

Pour ceux qui s'étonnent de la rapidité de l'apparition de cette foule de bactéries, un petit calcul : imaginons que des bactéries se divisent toutes les 20 minutes (hypothèse très réaliste), qu'elles aient assez de place et de nourriture et que rien ne vient les manger. A partir d'une bactérie, au bout de deux jours vous en avez nombre supérieur à celui de tous les êtres humains ayant jamais vécu sur Terre. Et au bout de 4 jours, un nombre supérieur au nombre de protons dans l'univers ! Donc, la pullulation éclair donnant des mers de laits est théoriquement possible si les conditions de température et de nourriture sont favorables...