Depuis la 11e Conférence Générale des Poids et Mesures en 1960, les scientifiques du monde entier se sont mis d'accord pour uniformiser les systèmes de mesure en utilisant le système international d'unités (ou SI). Il repose sur sept unités de base (le mètre, le kilogramme, la seconde, l'ampère, le degré Kelvin, la mole et le candela) et leurs dérivés (par exemple la vitesse en mètre par seconde). Particularité notable, ces unités se basent toutes sur le système décimal (les unités sont divisibles par 10). Exit donc le système duodécimal (en base 12).

mesure impériale On le sait, les anglo-saxons ont toujours été chatouilleux sur la question des unités de mesures. Pourtant il ne reste maintenant que très peu de pays à encore utiliser officiellement les unités impériales (en bleu sur la carte ci-contre). Même les anglais se sont ralliés au système international, en obtenant toutefois deux tolérances de la communauté européenne : les panneaux routiers restent libellés en miles et la bière vendue en pintes !

Bien entendu la Nasa n'avait pas attendu 2007 pour utiliser le système décimal, tellement plus commode pour les calculs que le système duodécimal anglo-saxon. Il est adopté de fait depuis une quinzaine d'années par les scientifiques de l'agence, et ceci malgré la résistance des ingénieurs des firmes aéronautiques, constructeurs des moteurs et des navettes qui utilisent traditionnellement les vieilles unités anglaises, en dépit des recommandations scientifiques internationales. Cet archaïsme obligeait à des missions spatiales "bilingues" : système métrique – système duodécimal. Vraiment tordu ! Et dangereux.

mars climate orbiter En effet, au delà du chauvinisme justifiant le recours à un système de mesure largement obsolète et mal-commode, il fallait aussi considérer les risques encourus par les futures missions lunaires. Souvenez-vous de l'échec affligeant de la sonde Mars Climate Orbiter : lancée en novembre 1998, elle s'est écrasée en novembre 1999 en raison d'une confusion entre le système international et les mesures anglo-saxonnes à l'atterrissage. Certains appareils étaient étalonnés en inch et non en mètre. En effet, les ingénieurs de Lockheed Martin Astronautics (Denver, Colorado) avaient gardé la mauvaise habitude de travailler en inch et non pas en mètre comme les scientifiques du Jet Propulsion Laboratory (Pasadena, Californie). Et personne ne s'était rendu compte de la bourde qui a conduit à l'énorme erreur de poussée des réacteurs jusqu'à ce que la sonde prépare sa rentrée dans l'atmosphère martienne et qu'elle prenne feu. Trop tard... "Allo Houston, nous avons un gros problème !" Coût total du fiasco : près de 125 millions de dollars. Je n'ose imaginer la tête des ingénieurs de Lockheed Martin, eux si fiers de leurs unités impériales. "Failure is not an option" comme ils disent à Houston. Parfois si !

En 1969, Léo Ferré regrettait que le petit pas de Neil Armstrong à la surface de la Lune fasse perdre un peu de sa poésie à notre satellite :

"Pauvre mec, mon pauvre Pierrot
Vois la lune qui te cafarde
Cette Américaine moucharde
Qu'ils ont vidée de ton pipeau de ton pipeau"
(Léo Ferré – Je suis un chien, 1969)

Aujourd'hui, c'est une maigre consolation pour les poètes et libertaires : la lune se range aux unités de mesure des sans-culottes de 1789.