Pour comprendre un peu ce phénomène, intéressons-nous tout d'abord à un autre trouble du sommeil. Lors d'une consultation à l'hôpital, le médecin voit arriver un monsieur avec une main dans le plâtre. Il est accompagné de son épouse arborant un superbe coquard. Il ne s'agit pas d'une sordide histoire de violence conjugale. Monsieur souffre d'un trouble du sommeil assez rare. Lorsqu'il dort, il ne reste pas immobile et s'agite en croyant vivre ses rêves. Ainsi, lorsqu'il rêve de son match de foot avec les copains, au moment du but, il détend violemment la jambe, ce que son épouse apprécie moyennement. De même, c'est en imaginant se battre contre un ours, qu'il a détendu le bras et s'est brisé la main contre le montant du lit. Normalement, notre cerveau empêche ces mouvements involontaires des membres lors du sommeil.

Ainsi, quand nous dormons (et plus précisément pendant le sommeil paradoxal, phase pendant laquelle le cerveau est particulièrement actif), nos muscles moteurs sont comme "déconnectés". Cela nous empêche de vivre physiquement nos rêves (c'est quand même moins dangereux pour nous ou notre conjoint).

En temps normal, cette paralysie du sommeil ne commence qu'avec l'endormissement et cesse dès le réveil. Mais il arrive parfois que votre cerveau mette un peu plus de temps à réagir : vous êtes réveillé mais vous ne pouvez pas bouger vos muscles. C'est au cours de ces périodes transitoires que se produisent les hallucinations sensorielles et l'impression de vertige. Si quelque chose vient vous réveiller avant la fin de la paralysie du sommeil, vous tentez de bouger mais vos membres ne répondent pas et semblent ne pas pouvoir prendre appui. Exactement comme lorsque vous tombez.

Dans certains cas extrêmes, cette paralysie du sommeil peut durer plusieurs secondes ou plusieurs minutes. La personne souffrant de tels troubles sort d'un rêve (phase de sommeil paradoxal); elle a alors conscience de la réalité qui l'entoure, mais se trouve complètement paralysée. C'est, semble-t-il, une sensation extrêmement effrayante. Elle est d'ailleurs couramment reprise dans les films d'épouvante (la série des "Freddy" par exemple) : vous ressentez un danger mais vous êtes paralysé et vous ne pouvez ni vous défendre ni vous enfuir.

vcauchemar Il est aussi probable que cette sensation soit à la base des légendes du moyen-âge sur les sorcières, les vampires ou encore les démons prenant l'apparence de femmes (succubes) ou d'hommes (incubes) et qui venaient vous oppresser la nuit sans que vous ne puissiez réagir. Ils se présentaient parfois sous la forme d'un songe ou d'un cauchemar. D'ailleurs l'étymologie du mot cauchemar est directement issue de ces croyances populaires :

Etymologie de "cauchemar" :

(1) de "cauquemare" (citation avérée autour de 1375) :

"Quant il semble que aucune chose viengne a son lit, qu'il semble qu'il monte sur lui, et le tient si fort que on ne peut parler ne mouvoir, et ce appelle le commun cauquemare, mais les medecins l'appellent incubes" (traduction de Valère-Maxime faite par Symon de Hesdin)

Ce malaise a souvent été attribué à l'action de sorcières, d'où "quauquemaire" (sorcière) :

"Au pays de Valois et de Pycardie, il y a une sorte de sorcières qu'ils appellent cochemares" (Bodin, Démonomanie des sorciers,1580).

(2) issu de l'ancien français "cauquier" ou "chauchier" (fouler, presser, attesté sous cette forme en Picardie dès le XIIe siècle) et du nom picard emprunté au néérlandais "mare" (fantôme ou spectre de la nuit, et qui a aussi donné son origine au mot anglais "nightmare"). (modifié d'après le TLF)

Des démons, des succubes, des sorcières, il y a de quoi se réveiller en sursaut en effet. Quand on tombe de sommeil, c'est pas un parachute qu'il faut, c'est une gousse d'ail !