Que le sexe soit bon pour la santé, ce n'est pas vraiment une nouveauté. Beaucoup d'études le montrent. Des rats à qui on ne laisse pas la possibilité de copuler ont une espérance de vie nettement plus courte que ceux qui peuvent le faire. Une étude de l'université de Bristol portant sur un millier d'individus pendant dix ans a montré que plus les sujets ont une vie sexuelle intense, plus leurs résultats aux examens de santé sont bons. Plus grande résistance aux infections, meilleur forme physique, plus faible probabilité de développer un cancer de la prostate, etc. Les études abondent. Ce qui est intéressant dans cette nouvelle étude, c'est qu'elle compare la réaction au stress des sujets en fonction de la fréquence et surtout de la nature de leurs rapports sexuels.

no sex last night Les cobayes. La manière dont le chercheur a procédé est assez intéressante. Ce n'est pas facile de trouver des volontaires pour une étude sur la sexualité. Il a donc initialement recruté par annonce un groupe d'hommes et de femmes en bonne santé pour participer à une étude sur l'effet de dose importante de vitamine C sur le stress. Seuls les données mesurées sur les individus témoins, c'est à dire ceux n'ayant pas été traité à la vitamine C, ont été analysées dans cette étude. La prise en compte des pratiques sexuelles ne s'est heureusement pas faite à partir d'expérimentations (!) mais sur la base des déclarations volontaires des sujets. Or parler de sexualité est une question sensible et il est difficile d'être certain que les sujets répondent honnêtement au questionnaire sur leurs pratiques sexuelles. Le chercheur a donc du estimer la fiabilité de leurs réponses (en ce basant sur l'indice de mensonge calculé à partir de l'inventaire de personnalité d'Eysenck, du nom du psychologue d'origine autrichienne). Les individus jugés peu fiables ou susceptibles de mentir sur leur sexualité ont été écartés de l'étude.

stress Stresseurs. Il fallait aussi choisir une méthode pour stresser les sujets. Au moment de leur rendez-vous pour les tests, ils étaient informés qu'ils allaient devoir donner un exposé sur leur travail devant des personnes chargées de les évaluer. Ils disposaient de seulement dix minutes de préparation avant d'être directement confrontés à un public peu amical. Enfin, à la fin de leur exposé, les sujets devaient répondre oralement à des exercices de calculs mentaux. Un protocole capable de créer un stress assez important que l'on peut évaluer à partir de l'augmentation de la tension artérielle des sujets pendant le test et de la vitesse de retour à la normale après le test.

Et les résultats sont assez étonnants. Les individus ayant eu des rapports sexuels dans les deux semaines précédents le test ont présenté les pressions artérielles les plus basses. Plus surprenant encore, parmi ceux-ci, il faut encore distinguer la nature des pratiques sexuelles. Les sujets qui ont eu uniquement des rapports complets (c'est à dire avec coït vaginal) ont eu une bien meilleure réponse au stress que ceux qui ont eu uniquement des rapports sans coït (masturbation, cunnilingus, etc.) ou un mélange de rapports avec et sans coïts.

no sex last night Un coït met en jeux et stimule plus certaines régions (notamment la zone pelvienne, très riche en terminaisons nerveuses) que les autres pratiques. Il est donc possible qu'il ait des effets physiologiques différent. Ce qui est certain, c'est que faire l'amour n'a pas que des effets immédiats sur le bien être liés à la secretion d'endorphine au moment de l'orgasme. Cela a aussi des effets à plus longs termes, sur plusieurs semaines. L'auteur de l'étude discute longuement les explications possibles de ces différences. Il se base sur un ensemble d'études sur les circuits neuronaux et les cascades hormonales (impliquant notamment l'oxytocyne, une hormone secrétée par le cerveau et suspectée d'être, entre autre, impliquée dans la formation des couples, l'hormone du coup de foudre) mises en jeux lors de l'orgasme ou des rapports sexuels. Pour ceux que les détails intéressent et qui lisent l'anglais, je vous renvoie à la publication originale.

Bien sur, comme toujours avec les corrélations statistiques, il faut rester prudent. Même si cette étude est cohérente avec de nombreux résultats expérimentaux et est étayée par plusieurs explications physiologiques, elle ne prouve pas, en elle-même un lien de cause à effet. On pourrait, par exemple, suggérer que les individus ayant une bonne réponse au stress sont aussi ceux qui sont le mieux dans leur peau et qui ont donc une activité sociale ou sexuelle plus intense et satisfaisante. L'auteur de l'étude a tenté d'anticiper cette critique. Il montre ainsi que les pratiques sexuelles ont un effet supérieur aux autres variables telles que l'age, le sexe, le poids, le nombre de partenaires ou l'épanouissement personnel et professionnel du sujet.

Et voila ! Encore une étude de plus pour démolir ce mythe tenace de l'obligation de chasteté pour le sportif avant une compétition, soit disant pour "garder l'influx". On le savait depuis longtemps : rien de tels que les câlins sous la couette pour être heureux et en forme ! J'en vois qui frémissent déjà….

Informations complémentaires (01/03/06) :

Stuart Brody, l'auteur de l'étude dont je parlais plus haut, a réalisé de nouveaux travaux précisant certains points évoqués dans ce billet et dans les commentaires. Son nouvel article, co-signé avec un collègue suisse, paraîtra dans le numéro de mars de la revue Biological Psychology. Leur étude porte sur la prolactine, une hormone sécrétée au moment de l'orgasme et qui est responsable de la satiété sexuelle : elle a une effet relaxant et inhibiteur du désir, d'où la période réfractaire chez l'homme qui doit normalement attendre un certain temps avant de pouvoir entreprendre un nouveau rapport sexuel. Il semble que lors d'activités sexuels en couple, la sécrétion de prolactine est 400 fois supérieure que lors d'une masturbation. Ceci confirme l'idée déjà évoquée plus haut dans le billet qu'un orgasme lors d'un rapport sexuel en couple n'a pas les même conséquences physiologiques qu'un orgasme lié à la masturbation. (merci à zydeco pour m'avoir signalé l'information)