La bière possède d'indéniables qualités nutritives. Elle contient principalement des sucres (les glucides représentent 80% des extraits secs de la bière), mais c'est aussi un aliment riche en protéines, acides aminés, vitamines (B1, B2, B3, B5, B6, B9, B12) et sels minéraux (calcium, potassium, phosphore, magnésium). De là à en tirer des conclusions sur les effets bénéfiques pour la mère, il n'y aurait qu'un pas ? Ce n'est malheureusement pas si simple.

Il est vrai qu'un sucre (un polysaccharide) présent dans la bière semble stimuler la sécrétion de prolactine, une hormone chargée, entre autre, de réguler la production de lait. D'ailleurs, cette idée est souvent relayée comme un argument en faveur de la bière. Mais ce qu'on dit moins, c'est que les études qui l'ont montré portaient uniquement sur… des hommes ou des femmes non-allaitantes ! Or il y a un monde entre l'action d'un sucre qui serait présente dans la bière et l'extrapolation à un effet bénéfique de la bière en elle-même. En fait aucune étude clinique n'est arrivée à mettre en évidence un effet bénéfique de la bière sur la lactation. Cet article fait une bilan sur ces études (malheureusement je ne peux que vous renvoyer vers le résumé électronique au lieu du document PDF complet). Tout au plus, les auteurs concèdent un léger effet relaxant de l'alcool : ce qui faciliterait la montée de lait chez les mères un peu stressées.

allaitement Ce qu'on sait en revanche, c'est que la concentration d’alcool dans le lait est égale à celle dans le sang de la mère ! Des chercheurs de l'université de Philadelphie ont montré que la consommation de bière à un effet clairement négatif sur la tétée. Le volume de lait consommé est significativement plus faible quand la mère a bu de la bière (cf cet article). Le volume produit par la mère a légèrement diminué mais c'est surtout que le bébé en boit moins ! La mère a l'impression que son bébé est assez vite repu alors quelle a encore du lait à lui donner (cf cet article). Elle peut en conclure de manière erronée que sa production de lait a augmenté. C'est sans doute ce qui est à l'origine de la croyance sur l'effet de la bière.

Enfin, bien qu'aucune étude n'a mis en évidence un lien entre un retard de croissance chez le nourrisson et une consommation habituelle de bière par la mère pendant la période d'allaitement, il faut rester prudent. Les médecins mettent en garde contre cette pratique qui expose précocement l'enfant à des doses non négligeables d'alcool. Rappelons qu'on a pu prouver un lien clair entre la consommation (même très faible) d'alcool pendant la grossesse et des retards de croissance ou des troubles neurologiques graves chez l'enfant et l'adulte. C'est ce qu'on appelle le syndrome d'alcoolisation fœtale.

Je ne voudrais pas que ce billet et le billet précédent soient mal interprétés. Je suis tout à fait partisan d'une consommation raisonnable d'alcool. J'apprécie beaucoup le vin et je ne rechigne jamais devant une bonne mousse (et les bières anglaises sont vraiment délicieuses et variées). Je ne suis en aucun cas militant d'une ligue anti-alcoolique. Mais ce n'est pas une raison pour laisser colporter des rumeurs non fondées.

allaitement Pour conclure ce billet un peu austère, une petite devinette. Essayez d'y répondre intuitivement. Les ruminants sont capables de stocker des volumes importants de lait dans leur pis grâce aux larges dilatations en sinus (qui portent le nom de "bassinet"). Sans faire de comparaisons scabreuses, il y a une assez grande diversité de taille des seins chez les femmes. Mais, à votre avis, pour une poitrine moyenne, quel est le volume de lait stocké dans un sein pour une femme qui allaite ?

  • (a) moins de 2cl (une cuillère à soupe)
  • (b) autour de 30 cl (un demi-biberon)
  • (c) autour de 60 cl (un volume de biberon)
  • (d) autour de 1 L