Pour essayer de comprendre ce résultat étonnant, il faut mettre un peu les mains dans le cambouis. Je vais essayer de faire simple. Accrochez-vous, ça vaut le coup.

francois 1er### Votre arbre. L’existence d’un ancêtre commun est assez intuitive. Vous avez 2 parents, 4 grands- parents, 8 arrières-grands-parents, etc. C’est une croissance exponentielle. Remontons de 500 ans en arrière, disons l’époque de François 1er (1494-1547). Avec un temps de génération moyen de 20 ans, il y a 25 générations entre nous et François 1er. Vous avez donc 2^25 ancêtres contemporains de François 1er, soit plus de 33 millions de personnes ! Mais alors nous avons un problème. A cette époque en France, il n’y a que 15 millions d’habitants. Pire ! Si on remonte encore un peu plus dans le temps, vous devriez avoir plus d’ancêtres que d’humains sur terre ! Vous voyez ou je veux en venir. Votre arbre généalogique n’est pas un arbre bien ramifié (avec des branches distinctes) mais plutôt un maillage avec beaucoup de recoupements. Vraiment beaucoup !

### Calcul simpliste. Poursuivons le raisonnement mais à l’échelle d’une population. Imaginons que cette population a une taille constante de n individus et que les mariages s’y font au hasard. Quelques calculs de combinatoire et probabilités, nous permettent de dire qu’au bout de log2(n) générations tous les individus de la population descendent saint louisd’un seul et même individu. Et ce nombre est extrêmement petit. Si c'est une population de 1000 individus, il suffit de log2(1000) soit 10 générations. Pour la population actuelle de la terre il suffit de log2(6x10^9)=33 générations, soit 660 ans ! Donc si quelqu’un vous annonce fièrement qu’il descend de Saint-Louis (1226–1270), vous pouvez lui répondre tout aussi fièrement « vous en êtes sur ? alors moi aussi ! ».

Tout de même, ce chiffre est un peu bas, non ? Tout ce raisonnement repose sur l'hypothèse que les mariages se font aléatoirement au sein de la population. C'est quand même peu réaliste. Les gens voyageaient peu et il y avait peu de chance qu’une paysanne du duché de Savoie aille épouser un marchand mongol.

### Modèle réaliste. C’est exactement cette critique qui a poussé un chercheur du MIT, Douglas Rohde, et ses collègues à explorer l’effet d’inertie de migration ou d’isolement géographique. Ils ont publié un modèle mathématique de généalogie humaine explorant différents scenarii de mouvements de population entre régions du globe. Et leurs résultats sont surprenants !

(1) Pour trouver notre ancêtre commun à tous il suffit de remonter à –300 ans avant JC. C’est vraiment très récent ! Un contemporain d’Aristote, peut-être africain ou mongol, est notre aïeul à tous que nous soyons blanc ou noirs, blonds ou bruns. Sale coup pour les racistes. Ou les nationalistes. S’ils sont vraiment nos ancêtres, les Gaulois sont aussi les ancêtres des indiens d’amériques.

(2) Si on se place à l’époque de cet ancêtre commun. Il y a deux types de gens sur terre. D’une part, une infime minorité de gens qui ont eu une descendance encore vivante aujourd’hui et alors ils sont les ancêtres de tous les hommes actuels. D’autre part, ceux qui n’ont eu aucune descendance encore vivante aujourd'hui ; ce sont les plus nombreux ! Ce n'est pas possible d'être l’ancêtre de seulement une partie de l'humanité. C’est tout ou rien !

(3) Si on remonte plus loin dans le temps, au-delà de la date d’apparition de l’ancêtre commun le plus récent, il y a de plus en plus de personnes qui sont nos ancêtres communs. Jusqu’à un certain point où tout le monde est notre ancêtre. Et ce point se situe approximativement à –3000 ans avant JC. L’époque des premières pyramides. Si vous pouviez voyager dans le temps, peu importe où vous vous rendriez sur le globe, le premier humain que vous croiseriez serait un de vos ancêtres directs.

Dans mes bras, papy !