Présentée comme ça, cette étude peut sembler un peu "légère". Elle vient pourtant d’être publiée dans les très respectables Comptes Rendus de l’Académie Royale de Sciences de Londres. Elle appartient à un très vaste domaine de recherche en biologie et écologie du comportement que l’on appelle la "théorie de la sélection sexuelle" et qui a pour objet l’étude de la compétition entre individus de même sexe en vue de l'accouplement et des conséquences de cette compétition sur l'évolution de certains traits (morphologiques ou comportementaux par exemple).

Chez certaines espèces, une femelle peut être fécondée par plusieurs mâles. Se posent alors des problèmes de compétition spermatique (ou compétition entre les spermatozoïdes de plusieurs mâles pour la fécondation des ovules d’une femelle). Différentes stratégies adaptatives sont mises en place par les mâles afin de diminuer les risques de compétition spermatique. Une stratégies souvent utilisée est d’avoir un volume d’éjaculât le plus important possible, ceci afin de diluer le sperme d’un autre mâle qui se serait lui aussi accouplé avec la femelle.

D’où l’intérêt d’avoir de gros testicules quand on appartient à une espèce où les femelles ne sont pas fidèles. C’est exactement ce que vérifie cette étude comparée portant sur 334 espèces de chauves-souris. Mais les choses vont plus loin. En classant les espèces de chauves-souris en fonction de la taille de leurs testicules, les auteurs se sont aussi rendus compte que les espèces à gros testicules avaient aussi un cerveau moins développé.

onthophagus Ce résultat surprenant les conduit à invoquer une hypothèse intéressante : la théorie du tissu coûteux (expensive tissu hypothesis). En deux mots : dans la lutte pour sa survie, un individu doit investir dans certains organes clés, mais si ses ressources alimentaires sont limitées, certains organes seront privilégiées. Ainsi une pression de sélection importante pour favoriser certains caractères sexuels (posséder de gros testicules par exemple) peut avoir des conséquences négatives sur d’autres organes ou fonctions (par exemple sur le système immunitaire). Ce phénomène a donné lieu à une étude célèbre. Si on supprime les cellules souches des testicules chez les mâles du scarabée taureau Onthophagus taurus, celui-ci se met à développer des cornes de tailles disproportionnées.

chauve-souris Revenons à nos chauves-souris. Deux organes sont extrêmement coûteux à produire d’un point de vue énergétique : le cerveau et les testicules. Les auteurs de l’étude font l’hypothèse que le developpement testiculaire se fait aux dépends de celui du cerveau. Il faut bien dire que chez les chauves-souris, l’investissement énergétique dans les testicules est loin d’être négligeable puisque chez certaines espèces le poids des testicules peut représenter jusqu’à 8,4% de la masse corporelle. Toutes proportions gardées, c’est comme si un homme de 70 kg avait des testicules de près de 3 kg chacun !

Bien entendu, les auteurs de l’étude restent prudents. Le lien statistique entre la taille du cerveau et le poids des testicules est indéniable : avoir de gros testicules est statistiquement lié au fait d'avoir un petit cerveau. Mais ils se gardent bien pour l’instant d’y voir un lien de cause à effet. L’hypothèse du "tissu coûteux" est pour le moment séduisante, mais des études complémentaires sont nécessaires pour "trancher" cette question.

En tout cas, maintenant, il va falloir être prudent : « alors, sévèrement burné le nanard ? »