eye Munissez-vous d'une lampe torche. Evitez de la choisir trop puissante pour ne pas vous éblouir. Rendez-vous dans une pièce bien sombre. Poser la lampe sur votre tempe, près de l'œil et inclinez là progressivement en la dirigeant vers l'œil jusqu'à ce que sa lumière rasante éclaire la cornée. Agitez la ensuite lentement (une oscillation toutes les unes ou deux secondes).

fond d'oeil Vous distinguez alors nettement l'entrelacs de veines qui tapissent la paroi de l'œil : vous voyez l'intérieur de votre œil ! D'ailleurs si vous bougez les yeux, ce réseau de veines reste rigoureusement immobile. Et pour cause ! Il suit parfaitement le mouvement de l'œil, et donc ne bouge pas par rapport aux cellules sensibles qui tapissent la rétine. Ce qui nous amène à un début d'explication sur ce phénomène. Si habituellement nous ne "voyons" pas l'intérieur de notre œil, ce n'est pas parce que notre rétine ne le perçoit pas. Le filtre se fait à l'étage supérieur, au niveau du cerveau. C'est une notion importante en neurobiologie : ce n'est pas parce que les terminaisons nerveuses réagissent à un stimulus que cette information est intégrée au niveau du cerveau.

Dans le cas précis de notre œil, le cerveau ne tient tout simplement pas compte de ce qui est immobile. Rigoureusement immobile. Si sous regardez le mur en face de vous, il n'est pas à proprement parler immobile par rapport à votre rétine puisque votre œil est constamment en mouvement. C'est aussi pour cette raison que vous percevez les montures de vos lunettes ou les ailes de votre nez qui sont pourtant immobiles par rapport à votre visage. Dans notre petite expérience avec la lampe torche, ce n'est pas vraiment le fait d'éclairer l'intérieur de l'œil qui le rend visible. Ca ne suffit pas ! Il faut recréer un mouvement. C'est pourquoi il est crucial d'agiter doucement la lampe : vous faites danser l'ombre des veines face à la rétine.

Il existe un autre cas où vous percevez l'intérieur de votre œil. Ca vous arrive sans doute quand vous êtes fatigués. Ce que Georges Perec décrit superbement :

perec

"Des formes virales, microbienne, à l'intérieur de ton œil ou à la surface de ta cornée, dérivent lentement de haut en bas, disparaissent, reviennent soudain au centre, à peine changées, disques ou bulles, brindilles, filaments tordus dont l'assemblage dessine comme un animal à peine fabuleux" (Un homme qui dort, 1967)


Ces filaments suivent le regard quand on bouge les yeux et ne disparaissent pas quand on bat les paupières. Ils ne sont donc pas à la surface de l'œil mais bien dans l'œil. Ce ne sont rien d'autres de petites masses gélatineuses qui se forment dans le vitré (l'humeur vitreuse qui baigne l'intérieur de l'œil) et qui remontent à sa surface. Notre rétine les "voit" quand ils sont éclairés par la lumière qui pénètre la cornée.

Encore un bon prétexte pour aller se rincer l'œil.